Les écrivains / adhérents
Pacôme Thiellement
Essais / Scénario / BDPacôme Thiellement est né en 1975 à Paris de père français et de mère égyptienne. Il s’est d’abord illustré dans le milieu de la bande dessinée à partir de l’âge de 13 ans en dirigeant le fanzine Réciproquement, auquel participèrent, entre autres, J.C. Menu, Killoffer, Got, Captain Cavern, Olivia Clavel, Pyon, Placid, Muzo et Mattt Konture. Alph’art Fanzine à Angoulême en 1990, le journal est notamment salué par Actuel, Fluide Glacial et Les Cahiers de la BD. Il arrête Réciproquement à 17 ans mais gardera de très fortes attaches avec l’univers de la bande dessinée.
En 1998, il crée la revue Spectre avec Scott Batty, Thomas Bertay, Luc Fafournoux, Grégory Gutierez, Fabrice Petitjean, Cypora Petitjean-Cerf, Patrica Rousseau, Adrian Smith et Sophie Spaggiari. La revue s'arrête en 2002, année de la publication de son premier livre Poppermost.
Il s’est occupé de la coordination d’un recueil de travaux écrits et dessinés autour du président Schreber, Schreber Président, publié par les éditions Fage en 2006.
Il est l’auteur de onze essais d’inspiration exégétique et burlesque : Poppermost (MF, 2002), Economie Eskimo (MF, 2005), Mattt Konture (L’Association, 2006), L’Homme électrique (MF, 2008), Cabala (Hoëbeke, 2009), La Main gauche de David Lynch (P.U.F., 2010), Les Mêmes yeux que Lost (Leo Scheer, 2011), Tous les Chevaliers sauvages (Philippe Rey, 2011), Pop Yoga (Sonatine, 2013), Cinema Hermetica (Super 8, 2015), La Victoire des Sans Roi (P.U.F., 2017) et Serpent (Derrière la salle de bains, 2018). Il a également écrit un récit, Alice au Soudan, publié par L’Hippopotame de Thèbes en 2000, un roman, Soap Apocryphe, publié par les éditions Inculte en 2012, et un feuilleton, illustré par Jonathan Bougard, Les Cinq Livres du King, publié aux éditions Le Feu Sacré en 2014.
Il est le co-auteur avec Thomas Bertay de la collection de films expérimentaux regroupés sous le nom de Le Dispositif : 52 vidéos expérimentales ayant fait l’objet de nombreuses projections (de la Galerie Eof au Centre Pompidou) et de quatre rétrospectives, l’une au Palais de Tokyo en décembre 2009, une autre au PCF dans le cadre du festival Politiques 0 en octobre 2010 et enfin deux rétrospectives complètes aux Festivals Côté-Court de Pantin en juin 2013 et Fifigro (Festival Internation du Film Grolandais) à Toulouse en septembre 2017. Un coffret regroupant l’intégralité des épisodes du Dispositif à été édité par Sycomore Films en une édition limitée à 676 exemplaires. Thomas Bertay et Pacôme Thiellement travaillent actuellement sur la tétralogie Stupor Mundi (une Histoire de TOUT et de ses monstres) dont les deux premiers volets, Rituel de décapitation du Pape et Les Hommes qui mangèrent la montagne, ont fait l’objet d’une diffusion en 2015 et 2016 et d’une édition en DVD en 2017.
Il a publié des textes dans de nombreuses revues (R de Réel, Vertige, L’Eprouvette, Le Tigre, Mon Lapin Quotidien), magazines (Rock & Folk, Chronic’art, Standard, Les Cahiers du Cinéma, Fluide Glacial, Le Magazine Littéraire), ouvrages collectifs (Fresh Théorie, Ecrivains en série, Vies et morts des super-héros, Le Livre des Trahisons), donné des conférences ou participé à des débats au Palais de Tokyo, au Centre Pompidou, au Grand Palais, au Forum des Images, lors de la semaine de Pop Philosophie à Marseille, au Théâtre du Rond-Point, à la Cinémathèque Française ou encore à la Fête de l’Huma. Il participe depuis 2011 à l’émission de radio Mauvais Genres. En 2013, la Galerie Anne Barrault lui confie le commissariat d’une exposition, Citadelles en Suspens, où il présente des œuvres de certains de ses artistes préférés morts et vivants (Gébé, Topor, Olivia Clavel, J.C. Menu, Killoffer, Captain Cavern, Scott Batty). Il enchaîne avec une résidence à la librairie Le Monte-en-l’air, Satan Trismégiste, où il invite à intervenir Olivier Mellano, Hermine Karagheuz, Delfeil de Ton, Laetitia Dosch, Chloé Delaume, Marie Möör, Luis Rego, Jackie Berroyer, Pascal, Virginie Di Ricci, etc. En 2014, il fait une résidence à Bourges avec Bandits-Mages, Théâtre de l’auto-dévoration, centrée sur la poésie et le cinéma fantastique. La résidence s’achève par une soirée de concerts pendant laquelle Eyvind Kang, Jessika Kenney, Hyeonhee et Hyeon-Mi Park jouent une pièce inspirée par un poème de Antonin Artaud, Faites le mal, ainsi qu’une chanson de Jessika Kenney à partir d’un poème de Attar, Her Sword II. En 2017, il est à nouveau commissaire d’exposition, mais cette fois-ci chez la galeriste Corrine Bonnet. Il propose La Bibliothèque de Babylone, en hommage à Kelek et Nicollet, sous la protection de François Angelier et de Jean-Pierre Dionnet, un ensemble d’oeuvres d’artistes (Scott Batty, Arnaud Baumann, Stéphane Blanquet, Captain Cavern, Olivia Clavel, Lucie Dobaria, Sandra Ghosn, Killoffer, Mattt Konture, Philippe Lagautrière, Yann Legendre, Bertrand Mandico, Jean-Christophe Menu, Muzo, Kiki Picasso, Pascal, Thomas Perino, Placid, Aline Zalko) officiant comme couvertures de livres perdus, rêvés, introuvables.
Bibliographie
Publications
– Sycomore Sickamour, P.U.F., 2018
– Serpent, Derrière la salle de bains, 2018
– La Victoire des Sans Roi. Révolution Gnostique, PUF, 2017.
– Cinéma Hermetica, Super 8 Éditions, 2016.
– Les Cinq Livres du King, Le Feu sacré, 2014.
– Pop Yoga, Sonatine, 2013.
– Soap Apocryphe, Inculte, 2012.
– Tous les chevaliers sauvages, Philippe Rey, 2011.
– Les Mêmes Yeux que Lost, Léo Scheer, 2011.
– La Main gauche de David Lynch. Twin Peaks et la fin de la
télévision, PUF, 2010
– Cabala. Led Zeppelin occulte, Hoëbeke, 2009.
– L’Homme électrique. Nerval et la vie, Éditions MF, 2008.
– L’Excuse, L’Hippopotame de Thèbes, 2007.
– Schreber Président (collectif), Fage, 2006.
– Mattt Konture, L’Association, 2006.
– Économie Eskimo. Le Rêve de Zappa, Éditions MF, 2005
– Poppermost. Considérations sur la mort de Paul McCartney,
Éditions MF, 2002, rééd. 2013.
– Alice au Soudan, L’Hippopotame de Thèbes, 2000.
Extraits
– Tous les chevaliers sauvages (2011) :
Un jour, nous sommes nés, mais c’était pas la peine.
On nous a balancés, vraiment comme une merde, sur une planète qui étouffait déjà sous la surpopulation humaine et n’en demandait pas tant. Nous non plus, d’ailleurs : on n’avait rien demandé. De ce réciproque désagrément, pire qu’un mariage arrangé et au moins aussi sinistre qu’un tandem de clowns, peuvent se déduire les conditions réciproques de notre existence dans le monde, et de l’existence du monde en nous. Nous nous demandons sans cesse si nous avons eu raison d’accepter de naître. Et le monde se demande sans cesse ce que nous fichons encore ici, depuis le temps qu’il nous a fait comprendre qu’il ne nous avait pas sonnés et qu’il ne voit toujours pas ce qu’on lui veut. Viens, étoile absinthe.
On nous avait présenté les choses autrement. C’était pervers, parce que personne ne nous a dit : tu es fils de roi, tu épouseras la plus belle fille du temps, tu t’accompliras comme un prince, tu crèveras comme un dieu. Mais, insidieusement, on nous incitait à le rêver. Et on nous laissait entendre : si ça n’a pas lieu, alors que tout le monde t’a préparé à ça, c’est ta faute. Si ça n’a pas lieu, c’est parce que tu n’as pas avalé les kilotonnes de merde qu’on t’a présentées dans les écoles de la principauté avec un sourire suffisamment réjoui. Parce que, bien sûr, pour devenir prince, tu devras commencer par avaler des kilotonnes de merde. Mais tu les avaleras en pensant à ton avenir radieux et ça passera comme si c’était de la bonne charcuterie, ouvre la bouche et ferme les yeux. C’était pervers, mais ceux qui nous disaient ça l’avaient cru, eux aussi. Ils sont partis dans l’existence avec les illusions du temps. Ensuite, pour se consoler d’être fils de rien, d’avoir épousé la pire fille du monde, de s’être couchés comme des chiens et de finir crevés comme des porcs, ils se sont dit : on va le faire croire aux petits ; on va les tourner en bourriques ; on va leur en faire un petit peu baver. Et, pour finir de se convaincre, ils se sont rendu compte que la déception était la clé de l’obéissance. À chaque ratage, on baissait la tête et on recommençait. À chaque ratage, on apprenait beaucoup. Énormément ; on apprenait à refaire la même chose, plus vite, et plus mal encore. Et on recevait notre claque avec le soulagement que procure la répétition des mêmes actes : le soir quand il tombe, la pluie quand il fait trop chaud, et le soleil quand il revient. En cela, on peut dire que nous étions faits à l’image du Créateur, que ses ratages successifs n’ont pas découragé de continuer à pondre de l’espace et du temps jusqu’à plus soif, comme ça, pour rien ; de lancer depuis le vide du non-manifesté des cycles de manifestation comme une envie de pisser ; enfin, de les peupler de pauvres êtres condamnés à y errer. Viens, étoile absinthe.
– La victoire des sans roi (2017)
Au lieu de baiser comme si nous devions mourir demain, aimons-nous comme si c’était la première fois. Au lieu de s’aimer comme si nous avions le couteau sous la gorge, baisons comme si c’était le premier jour de notre vie. Le monde moderne ne nous laisse le choix qu’entre le « couple », une sorte de caricature pré-adamique ratée de la domesticité asexuée et épuisée, et le « sexe » des célibataires, désespéré et narcissique : il faut refuser cette alternative, refuser de renoncer à l’amour. Sans une sexualité travaillée comme l’athanor de notre transmutation psychique, sans la naissance de l’androgyne lors de la fusion érotique, les histoires d’amour ne sont que des partenariats domestiques tristes à pleurer : des histoires de cul-de-jatte guidés par des aveugles. Le couple est la reconduction du mariage chrétien dans le monde moderne, et il faut penser que le mariage chrétien était déjà, avant tout, une manière d’éteindre les feux encore brûlants de l’amour sous le fardeau des obligations de la vie domestique.
Il n’y a pas eu beaucoup d’amour pendant l’ère chrétienne, mais, quand il y en a eu, il n’apparaissait jamais dans la sphère domestique mais toujours quelque part entre l’adultère (les troubadours) et la nécrophilie (Pétrarque, Dante). Si, à la suite de Simon, les Sans Roi ont évoqué un intermédiaire de la divinité dans ce monde, incarnation de la Sofia appelée aussi Proucinos (la Lascive, l’Inassouvie), c’est parce qu’ils ont bien vu dans l’amour charnel la clé de notre amour pour la divinité. On l’entend dans L’Evangile d’Eve : « Je suis toi et tu es moi, et, où que tu sois, moi, je suis là, et je suis en toutes choses disséminé. Et d’où que tu le veuilles, tu me rassembles, et, en me rassemblant, tu te rassembles toi-même. »
Cette pratique des Sans Roi – l’amour comme « station mystique » – il faudra attendre les soufis pour la retrouver décrite avec autant de précision. Si les kabbalistes ont approfondi la dimension savante de l’hérésie chrétienne et ont exploré la magie de la relation entre nombres et lettres et les puissances conceptuelles qui agissent sur l’émanation comme sur la création, si les cathares ont accompli leur projet politique, les soufis ont déployé la dimension intime présente dans le projet des Sans Roi – un art d’aimer chevaleresque, lyrique et intime. Les soufis se revendiqueront de l’Islam comme les kabbalistes du judaïsme, mais ce qu’ils en feront sera aussi étrange, surprenant, sublime, cohérent et consistant. Ce qu’ils en feront, c’est une pratique d’ascèse qui naît de la découverte de l’amour humain, non comme un renoncement, mais comme un accomplissement de ce dernier : « Le soufi n’a en rien la conscience de l’homme pécheur, écrit Henry Corbin : c’est un exilé ; et cette détresse, cette nostalgie, qu’il partage avec les gnostiques de tous les temps, fait que ce qu’il appelle de ses vœux, c’est un messager qui lui indique la voie à prendre pour revenir chez lui. »
Ce messager, c’est toujours la personne que j’aime.
Lieu de vie
Île-de-France, 75 - Paris
Types d'interventions
- Ateliers d'écriture en milieu scolaire
- Rencontres et lectures publiques
- Ateliers d'écriture en milieu universitaire
- Rencontres en milieu universitaire
- Ateliers / rencontres autres publics
- Résidences
- Rencontres en milieu scolaire