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De l’utilité de la littérature, par Apolline Marée


Permettez-moi de rebondir sur la tribune d’Éric Pessan publiée sur le site de la Maison des écrivains et de la littérature et d’abonder dans son sens…

Nombreux sont ceux qui ont eu l’outrecuidance de prétendre que la littérature était inutile :  ils sont légion, et ce, encore Ici et Maintenant. Cette soi-disant inutilité nourrit l’argumentaire de ces gestionnaires qui pratiquent des coupes sombres dans le budget de la Maison des écrivains et de la littérature et dans celui, entre autres, de toutes les associations culturelles et artistiques, notamment les maisons d’écrivains du Pays de Loire…

Alors, ne faut-il pas faire un pas de côté et tenter de changer le regard des politiques sur la culture et la littérature ? La littérature n’est-elle pas une épatante antidote à la mélancolie et au désespoir à l’heure où l’actualité nationale et internationale est fortement anxiogène. La littérature n’est-elle pas un bon rempart un bon garde-fou, un moyen de dissuasion face à toutes les solutions radicales (fanatisme, terrorisme, totalitarisme, masculinisme, génocides, féminicides, harcèlements, oppression, extrême droite et gauche) sans compter à l’échelle individuelle, le suicide (La prévention du suicide est une thématique omniprésente dans l’œuvre d’Albert Camus).

La littérature (poésie, théâtre roman) panse nos blessures, cautérise les plaies :  je me souviens, comme l’écrivait Georges Perec, je me souviens de mon hypnothérapeute qui était connu pour prescrire cent fois plus de livres, notamment de romans que de médicaments :  à dire vrai, j’estime que les cours de littérature, de poésie de théâtre, les ateliers d’écriture de poésie de théâtre devraient, bien souvent et, à plus d’un titre, être remboursés par l’assurance maladie pour certains, excusez du peu !  Qui dit mieux !

Supprimer ou réduire les subventions aux associations littéraires et artistiques, c’est aussi s’attaquer et fragiliser plus encore, les plus vulnérables que ce soit des personnes socialement défavorisées, les victimes de la barbarie, de la violence des guerres et de l’oppression et condamnées à l’exil, des personnes torturées ou harcelées physiquement moralement ou psychologiquement ou des accidentés de la vie, par exemple de êtres atteints d’une maladie incurable.

La littérature constitue une art-thérapie essentielle et existentielle qui permet parfois de se sauver, ou, à tout le moins, de se réparer : d’ailleurs n’est-ce pas une mission essentielle de l’écrivain d’être un bon pédagogue humaniste et engagé et de tenter de réparer, de sauver des vies (cf. « Réparer les vivants » ou « La patience des traces ») car chacun, même quand il ne figure pas parmi les plus fragiles, a besoin, à un moment de sa vie, de se réparer et de tenter de se réinventer……

 

A mes yeux, dire que la littérature est inutile, c’est exprimer un non-sens, un contre sens, c’est affirmer gratuitement sans vergogne, une contradiction dans les termes… La difficulté que rencontre la Maison des écrivains et de la littérature réside dans le fait que cette contrevérité fait florès et fait mouche chez certains gestionnaires zélés justement à court d’argument pour faire des économies…

 

Je parle au nom des plus fragiles, des plus vulnérables dont je fais partie, des accidentés de la vie, des exilés politiques et autres. La littérature et l’écriture m’ont sauvé la vie. Elles ont fait office de talisman, de baume salutaire quand l’espoir n’était plus de mise. Elles m’ont appris que ma fragilité pouvait être une force, une chance. Elles sont plus puissantes qu’une simple psychothérapie car elles nous amènent au-delà de la réparation de soi par la création…

 

Je suis fière d’appartenir à la Maison des Ecrivains et de la littérature qui est ma seconde famille maintenant que je suis orpheline.

 

Laissez-moi enfin revisiter le Pari de Pascal avec l’art et la manière d’une agnostique :  on n’a rien à perdre et au contraire tout à gagner à croire… en la littérature et à lui donner, par conséquent des moyens décents d’exister…

 

 

 

© Apolline Marée,

A la veille du 24 février 2025 et  de trois années de guerre en Ukraine

23/02/2025