Les écrivains / adhérents
Jacques Rancourt
Poésie / EssaisNé au Québec en 1946, il vit à Paris depuis 1971, est poète, traducteur et essayiste. À la suite d’une maîtrise de lettres sur la revue Le Pont de l’épée , d’un doctorat sur la poésie africaine et antillaise de langue française, ainsi que sa participation en 1973 à la rédaction de l’important panorama de Serge Brindeau La poésie contemporaine de langue française, il a publié nombre d’essais et anthologies consacrés à la poésie de langue française. Directeur du Festival franco-anglais de poésie et de la revue internationale de poésie et d’art visuel La Traductière de 1983 à 2014, il a par ailleurs traduit les poètes de langue anglaise John F. Deane (Irlande), Susan Wicks (Angleterre), Alex Skovron (Australie) et Toh Hsien Min (Singapour), les poètes latino-américains Néstor Ulloa (Honduras) et Alejandra Mendez (Argentine), de même que le poète israélien Amir Or et la poète japonaise Shizue Ogawa.
Comme poète, depuis La journée est bien partie pour durer parue en 1974, Jacques Rancourt a publié une trentaine de recueils de poèmes, livres d’artiste et recueils de haïkus. Il a reçu le prix européen de poésie Dante 2018 pour l’ensemble de son œuvre.
Comme essayiste, son dernier ouvrage, La traversée des langues – Essai sur le fonctionnement des langues à travers le monde, a paru aux éditions Armand Colin en 2023.
Thèmes
Le questionnement du réel, en particulier de ses zones dérobées, à partir de ce que la parole poétique peut nous en dévoiler d’une langue à l'autre.
Bibliographie
Poésie
– La journée est bien partie pour durer (Paris, Saint-Germain-des-Prés, 1973)
– L’eau bascule (Méry-sur-Oise, RMQS, H.C., 1974)
– Le pont verbal (Paris, Saint-Germain-des-Prés, 1980)
– Les choses sensibles (Montréal, l’Hexagone, 1989)
– Les quinze apôtres (livre-objet réalisé par l’auteur, avec dessin de Michel Mousseau, en 1989, repris et enrichi de nouveaux poèmes en 1994 sous le titre Les trente apôtres)
– La condition terrestre (Charlieu, La Bartavelle, 1995)
– The Distribution of Bodies (édition bilingue, poèmes choisis et traduits par John F. Deane, Dublin, Dedalus Press, 1995)
– La nuit des millepertuis (Montréal, éd. Trois / Paris, le Temps des cerises, 2002)
– L’instant prodigue (Amay, Belgique, l’Arbre à paroles, coll. « le Buisson ardent », 2003)
– La pluie des pluies (Grenoble, le Pré carré, 2005)
– Veilleur sans sommeil (choix de poèmes 1974-2008 avec préface d’Henri Meschonnic, Montréal, le Noroît et Paris, Le Temps des Cerises, 2010)
– Paysages et personnages (Montréal, le Noroît, 2012)
– Quarante-sept stations pour une ville dévastée (Le Noroît, 2014)
– Suite en rouge mineur (avec illustrations de Wanda Mihuleac, Paris, Transignum, 2017)
Livres d’artiste
– Le soir avec les autres (quatre poèmes, avec bois gravés d’Alix Haxthausen, Paris, G.D., 1978)
– L’eau (poème, avec sept lavis d’Yves-Marie-Heude, sous coffret bois, Paris, 1994)
– Gravitations (sept poèmes, avec eaux-fortes de Michèle Dadolle et traductions an anglais de John F. Deane, Paris, Signum, 2001)
– Comme un huart (poème, avec gravures d’Atsuko Ishii, Paris, TransSignum, 2004)
– Savoirs (deux poèmes, avec collages de Claudie Laks, coll. « Éventail », Daniel Leuwers, 2005)
– Cicatrice (cinq poèmes, avec collogravures d’Irène Scheinmann, Paris, TranSignum, 2005)
– Un amour isocèle (trois poèmes avec gravures d’Atsuko Ishii, éd. Tandem, Belgique, 2006)
– Les pièces du paysage (sept poèmes, avec images, dessins, collages de Sarah Wiame et traductions de Susan Wicks, Paris, Céphéides, 2006)
– Sculptures sur prose (neuf poèmes, avec dessins de Wanda Mihuleac et traductions de Jan Owen, Paris, Transignum, 2007)
– Parbleu (poème, avec acrylique originale d'Erolf Totort, Paris, Transignum, 2008)
– Sans partir du début (poème, avec et à partir d'œuvres graphiques de Wanda Mihuleac, Transignum, 2010)
– Au sortir de l’eau (livre-coffret de quinze cartes postales, avec photographie au recto, haïku et graphisme carte postale au verso, Paris, Transigum, 2019)
Essais
– « Livre II, Québec », in La poésie contemporaine de langue française (Paris, SGDP, 1973, sous la direction de Serge Brindeau).
– Poètes et poèmes contemporains – Afrique-Antilles (Paris, Agence de coopération culturelle et technique, en coédition avec les Cahiers de Poésie 1, 1980).
– Histoire littéraire de la France (Paris, éditions sociales, tome XII, 1980) : « La littérature québécoise du XXe siècle » et « La littérature négro-africaine de langue française »).
– Trait d'union, anomalies et caetera (co-direction, Paris, Climats, 1991)
– La traversée du paysage (essai sur la poésie de Maryline Desbiolles, Victoria, Australian Journal of French Studies, et Nice, Grégoire Gardette, 1997).
– The Ethical Dimension of Translation (Melbourne, revue Etchings n° 6, 2009)
– Le poète et sa langue (Montréal, revue Liberté n° 292, juin 2011)
– La traversée des langues - Essai sur le fonctionnement des langues à travers le monde (Paris, Armand Colin, 2023)
Anthologies
– Poésie du Québec : les premiers modernes (Paris, revue Poésie 1 n° 35, 1974)
– La nouvelle poésie du Québec (Paris, Poésie 1 no 36, 1974)
– La poésie érotique du XXe siècle (Paris, la Pibole, 1980)
– Poètes de l’identité québécoise, suivi de Les voix nouvelles (Paris, Poésie 1 no 96-98, 1982)
– French Poets of Paris (The Chariton Review, Truman State University, Missouri, juin 1996)
– Figures d’Haïti – 35 poètes pour notre temps (Paris, le Temps des cerises, et Trois-Rivières, Ecrits des Forges, 2005).
– Antilles-Guyane : anthologie de poésie antillaise et guyanaise de langue française (Paris, le Temps des cerises, 2006).
Principales traductions
– La brèche [Break-Through] (édition bilingue, poèmes de Lindy Henny, Paris, SGDP, 1981)
– Numéro spécial de la revue Poésie 88 (Paris, déc. 88) : présentation et traduction de quatre poètes américains : Robert Creeley, Denise Levertov, Galway Kinnell et August Kleinzahler
– L’ombre du photographe (édition bilingue, choix de poèmes du poète irlandais John F. Deane, Vénissieux, Paroles d’aube, 1996).
– Portrait of a Leaf as Bird - Portrait d’une feuille comme oiseau (poèmes de Susan Wicks, édition bilingue, Paris, éd. Céphéides, 2007)
– The Attic, édition bilingue, poèmes du poète australien Alex Skovron, PEN Melbourne, 2013
– Le musée du temps, poèmes du poète israélien Amir Or, traduits de l'hébreu et de l'anglais, en collaboration avec Aurélia Lassaque et l'auteur
– Dans quel sens tombent les feuilles, édition bilingue anglais-français, choix de poèmes poèmes du poète singapourien Toh Hsien Min (Paris, éditions Caractères, 2016)
– Los espejos de Carlos/Les miroirs de Carlos, poèmes de Néstor Ulloa, poète hondurien (Paris, éditions La Traductière, 2018)
– Une âme qui joue – Dix paysages, poèmes de Shizue Ogawa, poète japonaise (avec illustrations de Jean-Luc Guin’Amant, Paris, Transignum , 2019)
Extraits
Un matin parfois
un matin parfois
tous les métros vous passent dessus
on a oublié son parapluie
on casse sa clef aussi
le vent ne veut pas rester dehors
on tombe on dort à tous les étages
* * *
Qui sait demain...
Qui sait demain si la blancheur sera encore
un déguise-trou
ou un simple papier de cigarette
délicat autour de son tabac
que l’on fume puis une autre cigarette
comme l’eau du bain continue l’eau du bain
ou le bruit de la voiture
mais la vie est froissée à peine
* * *
Espace humain
Accessible espace humain
mystère clef du mystère
les deux clochards de six heures dix
dorment comme des papes
dans la rame trois, sans s’occuper de
Paris qui défile ni des quatre degrés
de mi-janvier ; accessible inégale
demeure, le petit jour
promène son monde sans distinguer
les dormeurs-nés des vieux veilleurs
une main sur l’œil humain
l’autre sur la fille du cyclone
* * *
Fil d’horizon
Sur ce fil d’horizon
simple
sur cette nuit d’horizon
il y a une pleine lune qui se joue au ballon
il y a la lumière d’une journée lourde
qui s’évapore dans l’air noirci
Sur cette lame d’horizon
vont périr
les grands débats du petit jour
les idées courtes d’après la sieste
il y a la ligne des épaules
qui se réjouit de tant de calme
il y a le fond du cœur
qui se déleste de ses scories
Sur cet arc d’horizon
vient se greffer
le tissu distendu des étoiles
l’univers en lui-même
commence ici
par cette lumière quasi parfaite
le cœur grésille
sous la ligne des épaules
la ligne des épaules
oscille
dans l’axe de sa galaxie
* * *
HOMOGENÈSE
Au commencement était le corps, or le corps était une âme, à muscles lents et à cuir chevelu. Le vent arrivait de biais et repartait vers la mer. La croûte terrestre donnait sur la voûte céleste. Or le corps était un homme, à gestes lents et à tube digestif. Il vit le vent, et fit vibrer ses cordes vocales. La voûte céleste parut toucher la croûte terrestre. Puis la pluie s’interposa. Il vit la pluie, il lui donna un nom. Il en donna un aussi au soleil qui s’ensuivit.
Au commencement était le corps, et le verbe était à l’intérieur. Les muscles coulissaient contre les os, la peau évacuait la vapeur d’eau. Il y eut un corps, il y eut un matin, l’âme était une femme, une fleur de chair à réciter la chair.
Le vent revenait de loin, il remontait le temps à cheval sur sa pluie qui jouait dans les mares. Quand le soleil sonna il était bien midi. La croûte terrestre faisait partie de la voûte céleste, elle était bleue vue de loin, elle se déplaçait avec l’espace. La femme tenait un livre où il était question d’Appalachiens. Personne n’est partout, disait-elle à ses fils, et elle leur prenait les mains. Le dessert n’était pas encore servi, la radio rejouait Bach, peut-être Alfred Deller, nous n’étions pas mécontents d’être venus ici. Il descendait des gouttes de pluie sur les vitres de la cuisine, le temps parlait à l’indicatif présent, le corps était une âme, à muscles lents et à cuir chevelu, il regardait luire le feuillage contre la voûte optique du ciel.
(poèmes extraits de Veilleur sans sommeil, Le Noroît / Le Temps des Cerises, 2010)
Types d’intervention :
Table ronde sur l’écriture de poésie
Table ronde sur la traduction de poésie
Table ronde sur le fonctionnement des langues
Lieu de vie
Île-de-France, 75 - Paris