Les écrivains / adhérents
Ludovic Hary
Poésie / Roman / Essais / ThéâtreLe cœur, le souffle, le muscle, la pensée, le nerf, le corps de la littérature, je les résume à deux choses : l’imagination poétique traversant un récit et la musique de la langue. J’écris dans ma tête et me relis toujours à voix haute, pour éprouver les rythmes, les sonorités de la phrase et de l’histoire racontée. Il ne s’agit pas pour moi seulement d’écrire pour les yeux un roman, une pièce de théâtre, et comme cela m’est arrivé et m’arrivera encore, sans doute, un texte philosophique, mais de produire un vivant pour les oreilles, aussi.
Un vivant ? Matière, forme, énergie, vibrations, que j’ai envie de faire partager à un public. C’est pourquoi j’organise des lectures musicales de mes textes (certaines d’entre elles sont visibles sur dailymotion et vimeo) avec des musiciens (pianiste, saxophoniste, clarinettiste, violoniste) et une chanteuse soprano, m’accompagnant parfois moi-même à la batterie. C’est avec trois de ces compagnons musiciens que nous avons créé et joué en 2008 une opérette intitulée Instin cherche objet (texte, bande-son et photos accessibles sur le site remue.net). Un autre spectacle vit le jour, Instin et le par-delà, monté en décembre 2015 à la Maison de la poésie.
Je pense souvent, quand j’écris, à ces deux couples complémentaires : la poésie-tableau, le cinéma-roman. Je voudrais que mon travail littéraire décrive les humeurs, les pensées, les gestes, les coups d’éclats et les secrets agitant les êtres (humains, animaux, végétaux, minéraux, aériens…), je voudrais qu’il stabilise les détails, qu’il creuse le monde ; mais je souhaiterais aussi qu’il invente ou fantasme ces détails, qu’il les mette en mouvement, qu’il délire le monde.
Je souhaiterais qu’il y ait de l’émotion et de la pensée, du premier et du second degré, du sensoriel et du pensé. J’aime aussi l’alliance du sérieux et du bouffon, que j’ai nommée, dans Prendre la route, et de ses propres yeux (2012) le lyrico-déconnant.
Mes thèmes ? Le corps, la décision, la rythmicité et le tempo, faire la joie comme on fait l’amour, la révolution intérieure et la révolution sociale, notre condition d’animaux politiques et d’animaux érotiques, l’adhésion, peut-être mystique, au cosmos et comment tout cela infuse dans l’amour, l’amitié, la camaraderie, dans tout lien : soit la connivence et la friction du masculin et du féminin avec les autres, mais en soi, aussi.
Qui m’aide dans ma quête ? Des sons, des senteurs, des touchers, des goûts, des paysages, l’océan, toujours, des cinéastes, des peintres, des poètes, des dramaturges et des romanciers, des philosophes, des psychanalystes, des historiens, des musiciens et des chanteurs, et la liste n’est pas close.
Je suis né le 16 avril 1967 à Paris où je vis. Je travaille en banlieue parisienne comme documentaliste dans un collège, où j’organise des ateliers avec les élèves (journal, batterie, lecture à voix haute, philosophie).
Bibliographie
Textes longs (roman, théâtre, hétéroportrait, fable urbaine)
- Nous nommer serait catastrophique (Verticales, 2002)
- Par quartier pas dquartier (Mix, 2003)
- Sous la vitesse (Verticales, 2008) : lectures musicales du texte sur www.dailymotion.com
- Prendre la route, et de ses propres yeux (Leo Scheer, collection Laureli, 2012) : lecture musicale du texte sur www.vimeo.com
- L'air du temps (Folies d'encre, 2013)
- Le premier jour, société secrète (Unicité, 2016)
- Cette fleur silicienne (Unicité, 2018)
- Les fuites de Greg Men (Bientôt rois, I) (Unicité, 2020)
- Le retour de la voix (Bientôt rois, II) (Unicité, 2021)
- Face à face (Bientôt rois, III) (Unicité, 2022) (présentation de la trilogie sur https://vimeo.com/706673582)
- Bourdonnant tard au tympan (Unicité, 2023)
- Denise-Jeanne Firmou (Unicité, 2024)
- Des cendres (roman à paraître, 2024)
- Cuillères (nouvelles à paraître, 2024)
- Exclamations : une philosophie (à paraître, 2025)
Productions courtes (articles, opérette, vidéo) (sélection)
- "Teck à s’y méprendre" in Lorsque le bûcheron pénétra dans la forêt… (Collectif, Verticales, 2002)
- "Tantôt goûter, tantôt gloser" in Qui est vivant ? (Collectif, Verticales, 2007)
- Instin cherche objet (2008) : livret écrit avec Anne-Chantal Carrière, musique de Henri Debise et Philippe Régnier (Festival Instin dans tous ses états, inventé par Patrick Chatelier, Arcueil, 6-7 septembre 2008) : texte et photos du spectacle disponibles sur www.remue.net
- "Sur un rythme de batteur, les questions fusent dans un « frou-frou de feuilles »", extraits de "Sous la vitesse" in Poésie / première, n°41, juillet-octobre 2008 : numéro sur « L'invention de soi » coordonné par Jacqueline Persini-Panorias
- La lumière m’a parlé (2008) : textes et dialogues du court-métrage de Philippe Régnier, visible sur www.dailymotion.com
- "Éternelle et volatile" in Aller à la bibliothèque (Folies d’encre, 2009)
- "Esthétique du trou d’air" in Accident créateur (Paris IV Sorbonne, 2009)
- Interview de Catherine Malabou par Ludovic Hary sur son livre Changer de différence, le féminin et la question philosophique (NRF, n ° 593, avril 2010)
- "Dix vagues" (NRF, n° 595, octobre 2010) : lecture musicale du texte sur www.dailymotion
- "Cette fleur silicienne", Orbs, n°4, novembre 2015
- Pour les fantômes (chanson et voix, Ludovic Hary, musique de Philippe Régnier) in CD d'accompagnement de General Instin anthologie (www.remue.net et Le nouvel Attila, 2015)
- Instin et le par-delà, Maison de la poésie, 3 décembre 2015, dans le cadre du Festival Instin (texte et voix, Ludovic Hary, Anne-Chantal Carrière, voix et chant, musique, Philippe Régnier)
- Sein (www.remue.net, avril 2018)
- Une demi-valise (www.remue.net, avril 2018)
- Camembert Roi (www.remue.net, mai 2020)
Extraits
« L'avion s'élève et franchit la côte, vénitienne de profil, carnaval sur la mer commencée, des stratus chapelets dominent le continent qui, du hublot, labours sillonnés de neige, jurent avec leurs semblables posés sur les eaux, voiliers en gaz, beaucoup plus seuls, température aidant. Resha va et vient, sa silhouette gainée dans le tailleur de la compagnie, son petit cul s'arrondit, compas, au gré des jambes. El demande, exprès, l'une après l'autre, une friandise et une boisson qui pourraient tenir dans l'arc d'une seule requête, parfum parfum, il aime la sentir à proximité, ironique, amplifiée de ce champagne, là, à son sourire, que j'imagine tourné vers moi me trompé-je, merde je n'ai plus de gingembre. N'avoir pas fait l'amour durant tant de temps le ferait novice de regards, de souffles et de cambrures. Feuilleter les rythmes, guider et se laisser guider, et n'en pas tout un plat si jamais gland mou, la langue est la meilleure des choses, elle fatigue moins, et les mains, jamais. L'hôtesse a vu que El la regarde, tout cannibalisme est d'abord oculaire. Allers-retours, elle sert d'autres passagers, lui sourit et tourne les talons, on est feuilleté d'époques, songe-t-elle, en ce moment je suis croque-mecs et le beau brun là-bas n'arrête pas de me chauffer, j'ai envie de tenter un truc, en dix ans d'avion, jamais fait, ce serait drôle. Elle passe et repasse devant El, houle hanches et seins, ses bras s'élèvent méridiens pour cheveux en poire. Ooufffffff ! je vais la croquer celle-là, songe El, les visions s'arrondissent et s'effacent l'une après l'autre dans la tête du gars. »
Prendre la route, et de ses propres yeux (2012)
« Ostür observe le Fleuve sombre, ses eaux calmes, les saules ondulant lentement à la brise dans un battement d'ailes froissées. Il revoit Selma déportant après le shampoing et son rinçage ses cheveux de côté pour en faire une natte qu'elle essorait sur toute sa longueur en la pressant des deux mains la tête penchée vers le sol. Ostür devant la Loire songe au Bosphore. Langue à l'haleine fumante faisant se joindre Nord et Sud, elle raccorde la lèvre d'oc à la lèvre d'oïl, partage l'Hexagone entre toits d'ardoises et toits de tuile, elle coud ensemble l'Anjou et un orteil, déjà, de la Vendée quand le Bosphore, lui, dans un frottement tectonique, conjugue l'Europe et l'Asie et au moins deux Istanbul - au moins, car il y en a tant, comme tant de stambouliotes et de chats stambouliotes différents. Combien d'hommes d'affaires se pressent chaque matin sur les vapurs à deux étages, Bosphore et, n'ayant pas trouvé de place assise, ouvrent leur ordinateur portable vite humidifié en l'appuyant contre le rebord des bastingages pour consulter leurs mails, tes embruns perlant sur l'écran dix-sept pouces, combien d'enseignantes comme Selma y corrigent leurs copies, combien de barmaids, de juristes et de chanteurs de rue y vont tenter leur chance, une guitare versée sur le dos, et toi, Loire, combien de châteaux alanguis à tes rives et sur tes eaux mêmes, combien d'histoire et de géographie, de peuples ayant navigué par toi, Romains, Vikings, sans parler de toutes les marchandises charriées sur toi, bois, bovins, poutrelles d'acier, ni de tes ponts qui durant la dernière guerre furent détruits par les bombardements alliés pour couper les ravitaillements en munitions et en vivres. »
Le premier jour, société secrète (2016)
Greg Men fonce. Veut s’échapper. Fuir.
Il règne très vite sur ce qu'on lui apprend. Ludec use de ses relations transatlantiques. En avril cette même année 68, aux vacances de Pâques, son fils devient le plus jeune pilote à voler sur la base d’Edwards. Un certain Neil, aviateur et astronaute, le prend sous son aile. Surnommé Mister Cool par ses collègues, pressenti pour une mission spéciale it’s a secret, dit-il en riant à Greg Men. Il enseigne quand même au garçon, en périphérie de cette énigme, maints rudiments aéronautiques. Le fait voler sur de vieux B 29 superfortress rescapés de Corée, et qui sinon ne servent jamais, abandonnés en bout de piste. Lorsque Greg, sous la gouverne de Neil, prend les commandes du géant coucou, le pilote chevronné le regarde avec admiration. Il a à ses côtés un frenchie de 16 ans, une estampe de moustache à peine au bec, incroyablement concentré, cool sur sa navigation, souriant : la majesté d'un Roi, déjà. Ensemble, ils filent sur Santa Catalina, look it’s Long Beach, lui fait Neil pointant son index vers le nord-est. Ils quittent Los Angeles, poussent vers le nord en volant bas. Sous eux, le Pacifique bleu gris étagé de brumes, frangé d’écumes, ridé de vents ricochant sur les palmiers qui gîtent vers l’intérieur des terres. 37 degrés 43’ 38” nord, 123 degrés 1’ 55”ouest, ces chiffres que lui a dictés Neil, le commun des mortels n'y comprendrait rien. Greg traduit immédiatement par : San Francisco.
Les fuites de Greg Men (Bientôt rois, I)
Lieu de vie
Île-de-France, 75 - Paris
Types d'interventions
- Rencontres et lectures publiques
- Rencontres en milieu universitaire
- Ateliers / rencontres autres publics
- Rencontres en milieu scolaire