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Les écrivains / adhérents

Mehrnoushe Solouki

Roman / Scénario / Récits
photo Mehrnoushe Solouki

Mehrnoushe Solouki a fait ses preuves littéraires lors de séminaires de philosophie organisés au Centre des Arts islamiques (SOUREH) à Téhéran. Elle y travaillait alors comme essayiste pour la revue Sahneh (La Scène).
Au-delà de la didactique, ces cours étaient destinés à une quête de l’existence, depuis l’aube de la sagesse illuminative jusqu’au midi de l’existentialisme contemporain.
Elle doit son choix à Hannah Arendt, qui affirmait que la création littéraire est une étincelle dans les temps de ténèbres. Son grand-père, le théologien Mirza Davoud SOLOUKI, lui avait également enseigné que l’essence de la création est un saut vers le Fruit de l’Arbre. Ce mouvement en avant s’enracine aussi dans le dépassement des conditions humaines.
Le temps était sombre et la langue devenait un instrument politique. Le verdict des tribunaux était d'autant plus sévère pour l'écriture féminine. Une autrice courait plus de risque d'être jugée de violation des valeurs morales. Parce que le rapprochement de l'Arbre de la Seigneurie était une volonté féminine.
Au sein de SOUREH, organe subventionné par le Guide Suprême, SOLOUKI a vu l’effondrement du Mur des valeurs figées. Face à cette chute, son corps condamné à l’inégalité trouve désormais son expression dans les mots. Le totalitarisme islamique est un désert aride, où les corps des hommes et des femmes s'effacent cruellement sous ses vagues violentes. En 1999, les meurtres en série de cinq membres de l’Association des Écrivains, orchestrés par les services de renseignement et les fatwas des théologiens, en sont une manifestation.
Dans ce contexte d’effacement social, Solouki écrit dans la clandestinité. Dans son ouvrage dramatique, à travers des mythes d'Adam et Ève actualisés, elle témoigne de l’esprit apocalyptiques du totalitarisme islamiste. Malgré le soutien de ses pairs, elle doit user de stratégie esthétique pour assurer sa sécurité. Il s’agit de jouer la carte des lois de censure.
Ses mots ont cherché une lueur dans l'obscurité, et un rayon est entré clandestinement par la fenêtre de la Sainte Prison de la République islamique. C'est pourquoi Solouki a eu recours aux métaphores, afin que la censure ne puisse les comprendre, mais que le lecteur en saisisse le sens.
Le processus de publication était laborieux. Son manuscrit voyageait sans fin entre les mains de l'éditeur et celles du Ministère de la Culture et de Guidance islamique, Gardien de Sainte prison en matière d'autorisations de publication.
L’interdiction de publication de ses deux pièces de théâtre fut à l’origine de son exil en France. L’apprentissage de la langue française devint alors un acte de libération des mots. Cette deuxième langue est un glaive qui prend pour cible le Mur des illusions qui avait emprisonné sa langue maternelle."
Dans les années 1990, le Centre des Arts Dramatiques du régime réformateur, après avoir effacé les mythes de l'Iran antique, symboles des forces créatrices de vie, encourageait les jeunes auteurs à adapter des personnages de la tragédie grecque pour le théâtre. Électre et Médée incarnaient alors un idéal féminin conforme à l'idéologie chiite, à l'image des figures de Zeinab et Fatemeh Zahra. La haine de l'autre et de la vie était présentée comme ayant conduit ces femmes à leur perte, les poussant à des actes de vengeance nihiliste, présentés comme les principes du chiisme matriarcal."
Depuis septembre 2023, la société iranienne traverse une révolution culturelle. Les mythes des traditions mazdéennes reviennent et animent la jeunesse contemporaine en quête de nouvelles valeurs. Mehrnoushe Solouki se tient à la croisée de deux océans de mots, persan et français. Par un travail acharné du corps et de l’esprit, ces deux océans se rencontrent, faisant fermenter un vin d'expressions.
Aujourd’hui, Solouki s'abreuve aux coupes que les deux langues lui offrent. Cette ivresse l'inspire pour écrire son dernier ouvrage, Glaive du cœur, publié en mars 2024.

Domaine d’intervention : anthropologie des mythes de l’Asie centrale et Moyen-Orient, actualisation des mythes selon l’imaginaire collectif de la société contemporaine.

Bibliographie

- Glaive du Coeur, Qui tue Zahhak, le Destructeur des cerveaux ?, éd. Le lys Bleu
- La Bataille d'Ahura et d'Ahriman, éd. Librinova, 2023
- Fatwa de sang : de mon quartier de Téhéran à la prison d'Evin, éd. Michel Lafon, 2011

Audio-visuel
- Le Mal et le Bien, court métrage, 2009 (Festival international Millenium)
- C’était là mon université !, film d’auteur. Un retour vers le passé universitaire de l’autrice et sa rencontre avec la nouvelle génération, FestivalduFil, Bruxelles.

Extraits

Ma vie du corps et d’intuition

Qui suis-je ? Un cyprès séparé du jardin ancestral. Son parfum, écho de ma conscience, m’a accompagné tout au long de mon périple migratoire. Son frémissement, comme mes sensations, a adouci chaque épreuve du chemin. Me voilà encore un cyprès digne, ma racine s’abreuve de la sève du Maître-Jardinier, fidèle à sa promesse : « Notre jardin est le pays de Jamshid, terre de prospérité et d’amitié. » Plus tard, sous la domination des occupants de Notre-Dame-Iran, la préfecture a tari les rivières du Polour. Nos feuilles ont flétri, mais nos racines ont résisté à la sécheresse de la saison d’Ahriman, témoignant de notre indéfectible résilience.
Mon grand-père, Mirza Davoud, a brisé les colonnes du sanctuaire de son père théologien, érigeant à leur place une école primaire mixte. Sa voûte, baignée de l’azur de Niaki, illumine la ville d’Āmol. Le soleil brille, mais c’est la lumière du Livre des Rois qui embrase le cœur des élèves.
Nous voici, cyprès messagers, porteurs des nouvelles de Jamshid. Le mythe éternel de de Notre-Dame, l’Iran, nous ramène aux confins d’un monde prospère. Un nuage intercepta la lumière du soleil. La poussière surgit de roi d’une terre stérile, lorsque les mages prononcèrent la fatwa de mort de Jamshid...
Aujourd’hui est un temps étrange, une foule d’évènements imprévus arrive. La maison est insalubre. Les murs des illusions s’effondrent sous les regards apeurés. Les sauterelles du désert attaquent les cités, ravageant les champs fertiles que le Fermier du temps ancien avait cultivés. Les vents desséchants brisent les barrières sacrées, et les sapins de Noël se plient aux tempêtes venues du fond des âges. Leurs versets de terreur traversent monts et vallées. Sur la place du marché, au Cœur de l’Europe, les peuples se rassemblent pour regarder le spectacle d’un dompteur de serpents. La peur me terrasse. Mon glaive est émoussé, compagnon des détours périlleux.
Et moi, mon regard est un horizon. La chevelure d’une femme vibre au sommet de Damavand, proclamant sa souveraineté. L’aube approche, et la brise frappe la poitrine palpitante du Polour, qui poursuit son cours dans les profondeurs de l’histoire. Kaveh me hèle de son atelier rayonnant. Il me réclame de répondre à son appel. Pourquoi rester enfermé dans ces lieux moisis, où les pensées vaines foisonnent ? Sors de cette maison effondrée!
Je vais me mettre à l’épreuve avec le précieux glaive de la langue française. Certes, le travail est acharnant, mais il est lâche de se résigner. La porte de la forge s’ouvre. Je deviens feu, l’acier des mots s’embrase, et la peur se liquéfie.
Le dompteur du serpent s’est renfrogné. Son artifice est suspect. Le rideau se lève et l’invisible devient visible, l’inexistant devient l’existant du présent. Zahhak, le roi du désert, porte sur ses épaules les œuvres d’Ahriman. Ses serpents s’avancent triomphalement de cité en cité, de continent en continent. Derrière, se trouvent la fatigue de l’Histoire et la mémoire enterrée à la cimetière des valeurs.
L’écrivaine saute par-dessus les tranchées, à la poursuite du « Xvarnah » de la parole. La bataille est magnifique : l’assaut des mots sous la plume de l’écrivaine, la conquête accomplie par un récit.
Sur le chemin des ténèbres, un métal brûle. Voici le langage du cœur qui palpite dans la nuit du corps. C’est ce métal que je veux placer sous la gorge de Zahhak. C’est moi qui juge et c’est moi qui exécute dans le monde des mots.


Ma bibliothèque

Le Malaise dans la civilisation, Sigmund Freud
Sur le concept d'histoire, Walter Benjamin
Le désir : Ou l'enfer de l'identique « Agonie des Eros» par Bynung- Chul Han
Le Cours de linguistique générale, Ferdinand De Saussure
La Médecine spirituelle, Zakariya Rāzi
Les Sept Portraits, Nezami Ganjavi
Les quatre voyages de l’esprit, Molla Sadra

Lieu de vie

Île-de-France, 75 - Paris

Types d'interventions
  • Ateliers d'écriture en milieu scolaire
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  • Résidences
  • Rencontres en milieu scolaire