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Les écrivains / adhérents

Catherine C. Laurent

Poésie / Roman / Essais / Jeunesse / Théâtre
photo Catherine C. Laurent

Catherine C. Laurent est née en 1962 en Lorraine. Après des études de Littérature et d’Histoire à Aix-en-Provence, et un mémoire de Master en Littérature comparée portant sur Voyage à Rodrigues de J.M.G. Le Clézio et le nomadisme intellectuel de Kenneth White, elle s’est installée ensuite à St-Pierre-et-Miquelon où elle a travaillé à la Radio. L’amour de l’insularité qui avait commencé petite lors de courts séjours à l’île Callot face au port de Carantec, en Corse et en Grèce, l’a menée ensuite en Nouvelle-Calédonie en 1993 où elle a enseigné et écrit pendant vingt ans, à l’île des Pins, à Bourail et à Nouméa. Des séjours en Polynésie et à Rapa Nui (l’île de Pâques) ont aussi nourri son écriture. L’attraction de la grande île-continent australienne habite certains de ses textes. De retour à Paris, elle poursuit l’écriture : romans, poésie, théâtre, essais mais aussi livres jeunesse tout en gardant le lien avec le Pacifique.

Pµhoto : Alfred Jocksan

http://www.catherineclaurent.com
Bibliographie

Roman
- Dernière Campagne, éd. Rhizome, Nouméa, 2003.
- Rouge comme la haine, éd. Humanis, Paris, 2019.

Poésie
- Le Cœur tranquille, éd. L'Herbier de Feu, Nouméa, 1999.
- Jardin intérieur, éd. L'Herbier de Feu, 2005.
- D’Ici, j’entends le Monde, éd. Écrire en Océanie, 2021

Théâtre
- Les Jours perdus, éd. L'Harmattan. Collection théâtre des 5 continents, Paris, 2014.

Essais
- Les Calédoniens, Lignes de vie d’un peuple, HD ateliers henry dougier, Paris, 2017. Prix Popaï du documentaire, SILO Nouméa 2018.

Albums
- Nouvelle-Calédonie, Illustrations Bénédicte Nemo, éd. Grandir, Nîmes, 2010.
- Igname, esprit de mon ancêtre, Illustrations Bénédicte Nemo. éd. Grandir, Nîmes, 2012.
- Le fils de l'Homme-oiseau, Illustrations Bénédicte Nemo. éd. Grandir, Nîmes, 2013.
- Les tortues de la baie, Illustrations Bénédicte Nemo. Collection Vert d’O, éd. Cépages, Paris, 2015.
- Petit Colibri, Illustrations Bénédicte Nemo. Collection Vert d’O, éd. Cépages, Paris, 2015.
- Célia le koala, Illustrations Bénédicte Nemo, Collection Vert d’O, éd. Cépages, Paris, 2017.
- Crac Crac Croc la marmotte, Illustrations Bénédicte Nemo, Collection Vert d’O, éd. Cépages, Paris, 2017.
- Dugong mon trésor, Illustrations Bénédicte Nemo, Collection Vert d’O, éd. Cépages, Paris, 2018.
- Cap’tain Alizée, Illustrations Dominique Berton, Collection Racines du monde, éd. Cépages, Paris, 2019.
- Le Cagou du caillou, Illustrations Bénédicte Nemo, Collection Vert d’O, éd. Cépages, Paris, 2021
- L’Esprit papillon, Illustrations Bénédicte Nemo, Collection Vert d’O, éd. Cépages, Paris, 2021
- Danse, petite apsara, Illustrations Bénédicte Nemo, éd. Cipango, 2025


Textes parus dans des ouvrages collectifs
• « Au-dedans de mon être », « Je n'oublierai pas », « C'est un temps de visages multiples », « J'ai rencontré l'homme-oiseau » et « Il faut me croire ». Rythmes Pacifique. Nouméa: Éditions Du Poisson-Clown, 2001.
• « Silhouettes » et « Je renvoie au temps des mémoires ». Poèmes de La Nouvelle, terre d'exil et de bagne. Nouméa: Éditions Les Amis de la Poésie/L'Herbier de feu, 2004: 108.
• « La Dette », nouvelle. Sillages d'Océanie. Nouméa: Association des écrivains de Nouvelle-Calédonie, 2007: 59-65.
• « Il suffirait », extrait de Bleue l'âme du jardin (roman inédit), et « La Parole, le Partage », réflexion. Sillages d'Océanie 2009. Nouméa: Association des écrivains de Nouvelle-Calédonie, 2009: 97-101, 154-155.
• « D'une île à l'autre », « La solitude », « L'eau du désir » et « Les Vents ». Ce qu'île dit. Revue Bacchanales 46 (revue de la Maison de la poésie Rhône-Alpes, octobre 2010): 114-16.
• « La Terre écoute », « Je renvoie au temps des mémoires » et « Regarder le pays ». Outremer-Trois océans en poésie. Paris: Bruno Doucey, 2011: 208-210.
Éclaire nos pas 1995-2010. Nouméa: l'Herbier de feu, 2011.
• « Kyoto » et « Pavillon de bois ». Il y a toujours une guêpe pour piquer un visage en pleurs/ solidarité Japon. Nouméa. s.m., 2011: 40- 41.
• « Le corps de l'enfance ». Enfances, Regards de poètes. Paris: Bruno Doucey, 2012: 164.
• « Horizons ». Pas d'ici, pas d'ailleurs; Anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines. Montélimar: Voix d'encre, 2012: 25.
• « Lettre à James Cook ». Revue IntranQu’îllités n°3. Passagers des Vents.
• « La peur des temps anciens » et « Tendre la main ». Klosap / Solidarité Vanuatu. Association des écrivains de la Nouvelle-Calédonie. 2015.
• « Le pays de l’âdi poétique », Revue Littérama’ohi, Ramées de littérature polynésienne, Motu’Ara’ara, Huahine, 2016
• « La Dernière histoire du Vieux », Revue Littérama’ohi, Ramées de littérature polynésienne, Motu’Ara’ara, Huahine, 2016
• « Bombay-Madras », nouvelle, Revue Nos Lettres d’Asie, éditions Rencontre des auteurs francophones, États-Unis d’Amérique, 2024
• « Retour au village », nouvelle, Revue Rives et rêves de Méditerranée, éditions Rencontre des auteurs francophones, États-Unis d’Amérique, 2025

Extraits

Dernière Campagne (roman)

C'est pour cela que je viens ici, jusqu'à vous. La lande me calme, le vent m'habite, l'air circule en moi et me lave de la peur ancienne. Quand j'arrive, je suis dans l'amour, de tout, de vous, tel que vous êtes, assis près du feu, l'amour de cette pièce quand elle m'accueille. Il n'y a plus de limites car alors il n'y a plus de peur.

C'est sûrement de moi dont j'ai encore peur. De ce qui reste du passé en moi, de tous les passés. Du passé de la femme que j'ai été et de son passé à lui.

Celui que j'appelle Louis.

J'attends. Le temps est avec moi. J'attends tranquillement que mon avenir me délivre de lui. Louis. Celui qui parle au fond de moi, celui dont j'entends la voix dans la voix des autres, celui dont le silence me ramène aux trous noirs de l'absence. Il marche au fond de mon corps. Je le connais depuis peu, je l'ai reconnu depuis peu. Avant il était le silence environnant. Il était ce qui manquait à ma véritable dimension.

Je sens que Louis est un être qui toujours a hurlé avec les loups. C'est du fond de moi que je le sens. Ne me demandez pas pourquoi, je ne le sais pas. C'est déjà assez difficile à identifier cela, ce que je sens. Et le nommer aussi c'est difficile. Depuis tout petit il s'est joint au sauvage pour extirper du fond de lui la force extrême de sa vie.

Ce qui l'habite lui et l'a toujours habité, c'est une absence totale de peur ; elle l'a toujours empêché de trouver ses limites. Je sais aussi qu'à son contact rien ne peut résister. La force de toute chose s'épuise contre lui. Ça c'est clair et c'est pour cela aussi que moi, aujourd'hui, je ne peux pas non plus résister à sa présence envahissante. À l'intérieur de mon corps. C'est comme si je me mouvais dans le corps d'un autre.

Ce soir, il est là, attentif, tapi, à l'écoute. Il a besoin de moi pour exister à nouveau. Il a quelque chose à me dire. Il n'est pas hostile, pas du tout. Il est pour moi, avec moi, il m'accompagne. C'est sûrement la première fois qu'il est ainsi attentif à quelqu'un.
C'est sûrement aussi parce qu'il a besoin de moi, besoin que je comprenne.

D’Ici, J’entends le Monde (poésie)
Préambule

C’est un matin de brume sur la Néra. Il fait doux et frais, la lumière qui éclaire la brousse sur ma route est jaune et légère. Il est encore assez tôt pour que ma voiture, à l’approche de la rivière, traverse un épais banc de brume.
La brume, je l’ai déjà connue dans ma vie, il y a longtemps, dans l’île de l’Atlantique Nord.
Dans ma solitude, les arbres sur le chemin me sont d’un grand secours. Ils semblent, pour certains, pareillement solitaires, au milieu des champs, immenses, ayant survécu à tout. Cependant, bien souvent, je me dis qu’à eux seuls, ils justifient l’existence de ce pays, plus que les Hommes. Eux, les grands arbres. Parfois je voudrais ce pays vide de présence humaine. Moi, seule, et les grands arbres. Et les vaches rousses au regard si doux. C’est cela que j’aime par ici, dans cette vallée perdue, la petite Afrique, Nessadiou.
Je voudrais ce pays vide d’hommes pour que tout soit plus simple, moins menaçant. Je rêve du pays des origines, du temps d’avant. Mais je rêve aussi d’un pays qui serait habité par les poètes chinois de la dynastie Tang. Un pays où la brume serait plus que la brume, un espace dense et fluide, volatile, pour se perdre et rêver… il y a ce que je vois, ce que je vis et le reste. Loin de la vitalité des grands arbres. Il y a ce que réserve l’avenir dans ce pays.
Chacun, à bien y réfléchir, vit ici son illusion personnelle. Depuis bien longtemps. Moi de même. En pleine poésie.

Un poème du recueil :

De cendre et de vent
Crépite la passion
Sous les pierres chaudes

De quoi parle
Le rougeoiement sous la grisaille
De quel espoir
De quelle clarté

Parle-moi Pays
Parle-moi encore de toi

J’en parlerai aux autres


Rouge comme la haine (roman)
Ce qu’elle découvrit derrière la porte de son enfance la frappa de stupeur. C’était si improbable qu’elle demeura longuement sur le seuil, tétanisée par la surprise. Tout était impeccable. Le lit fait. Le sol propre, les rideaux tirés. Il régnait là un calme absolu et silencieux, qui semblait imprégner jusqu’aux meubles et aux objets qui l’y attendaient sagement.
Impossible de se souvenir des derniers instants qu’elle avait passés là. Mais, dans le cyclone émotionnel auquel ils correspondaient, elle ne pouvait croire qu’elle les avait occupés à nettoyer et à ranger calmement sa chambre, avant d’en fermer la porte et de s’en aller sans un mot pour personne. C’était donc lui, le père, qui avait fait ça. Quand ? À quel moment ?
Elle s’approcha du bureau. Il était couvert de poussière. Son doigt dessina un chemin sur le bois usé, faisant émerger des sensations si anciennes qu’elle ne comprit pas tout de suite ce qui remuait en elle. C’est là qu’elle avait fait ses devoirs, préparé son bac, écrit des mots d’amour…
Contre toute attente, alors que la puanteur régnait jusque dans cette chambre, elle ressentit un plaisir fugace, pâle fantôme de celui d’autrefois. Celui des soirs où elle aimait s’enfermer seule, et où sa chambre, dans cette maison alors heureuse, était un cocon dans un autre cocon. C’était si lointain, qu’elle avait du mal à se réapproprier cette sensation diffuse. Tant d’antichambres de douleurs la séparaient de cette époque ! Tant de portes blindées, imposées par la nécessité de survivre ! Elle redécouvrait un pays devenu étranger à force de distance.
Elle tira la chaise, s’assit lentement, posa ses mains à plat sur la pellicule de poussière et ferma les yeux. Dehors, le petit frère fait crisser les roues de sa trottinette sur le perron. Ana rit à gorge déployée lorsqu’il bute contre la rambarde métallique. La mère les appelle du fond de la cuisine. Le repas est prêt. Occupé à lire son journal, le Vieux grogne quelque chose du fond de son fauteuil.

Ma bibliothèque

Mes auteurs favoris sont nombreux mais si je veux être précise, il y a eu dans ma jeunesse Marguerite Duras, Mircea Eliade, Kenneth White, puis Kawabata et Tagore. Plus tard, les Américains du Grand Dehors m’ont beaucoup occupée ainsi que Jim Harrison. La littérature scandinave m’émerveille : Jon Fosse, Roy Jacobsen, Herbjorg Wassmo. Demeurent permanents sur ma table les poètes de la Chine ancienne. Je lis aussi les auteurs français actuels et je fais de belles rencontres !